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La croyance ou la foi

Rabbi Dov Linzer - Rosh Hayeshiva Yeshivat Chovevei Torah

Traduit de l'anglais par Noémie C. (traduction non-officielle)


Les Dix Commandements s’ouvrent sur cette déclaration : « Je suis l’Eternel ton Dieu qui t’a fait sortir d’Egypte. Ce passage est souvent interprété comme la mitzvah de la croyance. Existe-t-il une telle mitzvah ? Et d’ailleurs, qu’entendons-nous par « croyance » ? Y a-t-il une différence entre la croyance et la foi ?


Il y a deux sortes de croyances : « croire que » et « croire en ». « Croire que », c’est croire ou accepter qu’une certaine affirmation est vraie ; « croire en », c’est avoir confiance en une personne, et croire que cette personne est digne de confiance. Je crois que la Terre est ronde, je ne crois pas en la rondeur du monde. Une enfant croit en son père – il ne s’agit pas de l’affirmation d’un fait à son sujet qui serait vrai, mais du fait qu’elle a confiance en son père, elle sait que son père sera toujours là pour elle, et elle croit sincèrement qu’il la protégera.

Le mot « emouna » peut faire référence à l’une ou l’autre signification, et cela se reflète dans 2 mots parallèles : « amen » et « omen » (א-ו-מ-ן). « Amen » est un mot prononcé pour indiquer l’approbation et l’accord avec une affirmation ou un sentiment. Ce mot sert à affirmer que quelque chose est vrai. « Omen » signifie « nourrir », « élever » ; une « omanet » est une nourrice. La emouna liée au « amen » est une « croyance que », la emouna liée à une « o-manet » est une « croyance en ». La première forme de croyance est intellectuelle et vient de l’esprit, la seconde est émotionnelle et relationnelle, et vient du cœur.


De quel genre de croyance, ou « emounah », parle alors ce passage ? Lorsque nous recevons le commandement de croire en Dieu, s’agit-il de « croire en » ou de « croire que » ?


Rambam, dans sa célèbre discussion au chapitre 8 des Yissodei HaTorah, Les Fondements de la Torah, affirme que la Torah traite de notre croyance, ou en général de la croyance que Dieu existe, et que Moshé est le véritable prophète de Dieu. Rambam se préoccupe de savoir comment nous pouvons savoir, de façon absolument certaine, que Moshé transmettait directement la parole divine. Sa réponse est que cela n’est pas dû aux signes et aux miracles, car « celui qui croit en raison des signes et des miracles, a toujours quelque doute dans son cœur, car peut-être le signe a-t-il été accompli par quelque stratagème trompeur » (Yissodei HaTorah 8 :1). Ainsi, dit Rambam, lorsque Dieu dit à Moshé que les Bné Israel croiront grâce aux signes accomplis par Moshé (cf. Chemot 3 :11 – 4 :9), Moshé craignit que cela ne mène pas à une croyance solide, c’est pourquoi Dieu dit à Moshé que cette croyance viendrait lorsque la Torah serait donnée au Mont Sinaï, et que chacun verrait de ses propres yeux que Dieu donnait la Torah et parlait directement à Moshé.


Pour Rambam, le philosophe et auteur de la liste des Treize Articles de Foi, ce qui était et demeure d’une importance capitale, c’est que le peuple juif croie en la véracité de certaines propositions sur Dieu et sur Moshé. Ainsi, Rambam commence également ce livre, et tout le Mishné Torah, en affirmant que c’est une mitzvah de savoir que Dieu existe. L’essentiel est ce que nous affirmons intellectuellement, et mieux encore, ce que nous savons être un fait.


Ramban – Nahmanide – n’est pas d’accord. Selon lui, nous n’avons peut-être pas le commandement de croire que Dieu existe. Il note que le premier des Dix Commandements est formulé comme une affirmation, et non comme un impératif. Il attire plutôt notre attention sur un verset de la parasha de cette semaine : « Prends garde (…) de ne pas oublier les choses que tes yeux ont vues (…) mais enseigne à tes enfants et aux enfants de tes enfants (…) le jour où tu t’es tenu devant l’Eternel ton Dieu à Horeb » (Deut. 4 :9-10). Nous avons le commandement, non pas d’affirmer des faits, mais de nous souvenir. Nous souvenir que nous avons reçu la Torah au mont Sinaï. Nous souvenir que Dieu était là pour nous quand nous sommes sortis d’Egypte. Ce n’est pas la croyance que Dieu existe ou que la Torah vient du Sinaï. C’est la croyance en Dieu et en la Torah du Sinaï. Il ne s’agit pas de théologie, mais de mémoire.


Pour Ramban, notre mission est d’entretenir cette mémoire, à un niveau individuel et collectif.

De revivre ces expériences dans notre esprit, d’être touché émotionnellement et religieusement par leur force, et de transmettre cette réalité expérientielle, cette foi vécue – et non la froide affirmation factuelle – à nos enfants. Cette mémoire vivante et active a le pouvoir de renforcer notre relation avec Dieu, de renforcer notre confiance en Dieu, de renforcer une vie de Torah et de mitzvot. Plus que de croyance, il s’agit de foi.


La Torah parle des deux types de foi. « Li’ha’amin » ou « Li’ha’amin li… » signifie « croire que » ; « li’ha’amin b… » signifie « croire en ». Lorsque dans Parashat Chemot, Dieu dit « veya’aminou ki », « et ils croiront que » [Dieu t’est apparu], et « im lo ya’aminu lakh », « s’ils ne te croient pas » (s’ils ne croient pas que ce que tu dis est vrai), alors « v’he’minou likol ha’ot ha’acharon », « ils croiront la preuve du dernier signe » (Chemot 4 :5, 8). Tout cela vient prouver que quelque chose est vrai, que Dieu a envoyé Moshé pour sauver les Enfants d’Israël. C’est là la préoccupation principale au début de l’Exode. Cependant, ce n’est le principal souci de la Torah.


La préoccupation essentielle de la Torah, en revanche, n’est pas la croyance que, mais la croyance en.

« V’he’minou ba’Hashem » : « et ils croiront en Dieu ». L’expérience de l’ouverture de la Mer Rouge les a imprégnés de la foi en Dieu, ils savaient que Dieu serait toujours là pour eux, ils savaient que Dieu était là pour prendre soin d’eux. C’était la foi d’une relation, et non la croyance en un fait.


Le souci premier de la Torah n’est pas que nous affirmions la vérité de certains principes. Le souci premier de la Torah est que nous écoutions Dieu et que nous croyions en Dieu. Que nous ayons une relation forte avec Dieu, et que nous ayons confiance en lui pour être toujours là pour nous. Malheureusement, une grande partie de notre communauté se concentre sur la croyance maïmonidienne « que », et laissent de côté l’importance de la croyance « en ». Si le judaïsme possède indéniablement des principes de foi, nous ne pouvons pas réellement nous dire religieux en nous contentant de suivre la halakha et d’affirmer nos principes de foi.


La religiosité, par opposition à l’observance, exige une relation constante avec Dieu, une confiance en Dieu.

Cette relation vécue, cette confiance, peut être fragile, surtout à une époque où Dieu n’accomplit pas fréquemment des miracles, et où nous vivons encore dans l’ombre de l’Holocauste. C’est une relation qui s’est construite au fil du temps – sur des milliers d’années, mais qu’il faut également nourrir régulièrement.


Travaillons, en tant que parents, en tant qu’individus, et en tant que communauté, à cultiver et à nourrir notre relation avec Dieu, travaillons à développer notre croyance en Dieu. Essayons de nous relier à ces expériences passées, à notre mémoire collective du don de la Torah, de la présence protectrice de Dieu au cours de l’Histoire, qui nourriront cette croyance. Et travaillons à identifier, à remarquer, ces moments de nos vies qui nous permettent de ressentir la présence divine, et y retourner encore et encore, afin d’être réellement capables d’avoir confiance, de croire en Dieu.

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